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LES SERVICES D'INTÉRÊT GÉNÉRAL, C'EST LA PRIVATISATION DES SERVICES PUBLICS
En étroite collaboration avec la CES
ANALYSE
On parle de plus en plus de services d'intérêt général (SIG).
Ce terme, comme on le verra dans cette page, a été inventé par la Commission européenne pour
progressivement être substitué à celui de services publics, afin d'en favoriser la privatisation.
Là où les services publics constituent un monopole public garantissant l'égalité en droit des citoyens, les SIG offrent la possibilité d'être indifféremment assurés par des entreprises publiques ou privées. C'est ainsi que, pour préparer la future Constitution européenne, la Commission européenne vient de publier un « Livre vert sur les services d'intérêt général », qui insiste : « Il convient de souligner que les termes "services d'intérêt général" et "services d'intérêt économique général" ne doivent pas être confondus avec l'expression " service public ". » Et plus loin : « Le fait que les fournisseurs de services d'intérêt général soient publics ou privés n'a pas d'importance dans le droit communautaire. »
Difficile d'être plus clair : ce terme de SIG vise à habiller et à accompagner la vague de privatisation de tous les services publics, décidée depuis le traité de Maastricht par Bruxelles.
La prétendue Confédération européenne des syndicats (CES) est allée jusqu'à élaborer avec le patronat européen un projet de directive–cadre sur les SIG. Et lors de son récent congrès, du 26 au 29 mai, à Prague, elle s'est prononcée pour « le renforcement des services d'intérêt général », sur demande d'un amendement présenté en commun par la CGT, la CFDT et l'UNSA (amendement n° 6, paragraphe 4, de l'avant–propos du programme d'action de la CES).
Un récent colloque de « Confrontations Europe » apporte un éclairage du plus haut intérêt sur le sujet
lui–même, ainsi que sur l'étroite collaboration dont il fait l'objet.
Lecteurs, jugez vous–mêmes.
D.S.
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DÉBAT
D'où viennent, que sont ces « services d'intérêt général », dont on constate une fois de plus, à la lecture du dossier sur la transformation de La Poste, qu'ils sont une machine de guerre contre les services publics? C'est l'Union européenne qui en organise actuellement la mise en place, avec l'objectif publiquement affirmé de privatiser les services publics, de les transformer en instruments de profit financier, dont le fonctionnement n'aurait plus rien à voir avec le monopole public qui garantit en droit l'égalité des citoyens devant l'accès aux besoins auxquels ils répondent.
Cette offensive brutale, les dirigeants de Bruxelles n'auraient pas seuls la force de la mener à son terme s'ils ne s'appuyaient sur la collaboration étroite de la Confédération européenne des syndicats. Celle–ci se plie à toutes les injonctions officielles découlant du traité de Maastricht et présente « l'ouverture à la concurrence » comme une « nécessité ».
C'est directement la main dans la main avec le patronat européen des entreprises publiques, le CEEP, que la CES a élaboré un « projet de directive–cadre », qui prévoit textuellement que les entreprises privées pourront être des opérateurs des SIG, dont l'objectif est de détruire les services publics.
S'il est un homme qui ne peut ignorer ni ces réalités ni leurs conséquences concrètes immédiates pour tous les travailleurs de la corporation postale – et les usagers du service public qu'est toujours La Poste en France –, c'est certainement Pierre Khalfa.
Dirigeant de SUD–PTT à FranceTélécom, il ne peut pas ne pas savoir que des milliers d'agents ont perdu leur statut de fonctionnaires lors de la privatisation de l'ancien opérateur public des télécommunications, que c'est tout l'ensemble de leurs acquis sociaux qui y est systématiquement dégradé.
Pierre Khalfa est aussi un dirigeant d'ATTAC et il a écrit en janvier 2001 un document préparatoire à la discussion du « conseil scientifique » de cette organisation, intitulé : « Services publics, quel avenir? » Il y estime qu' « il paraît difficile de revenir sur les ouvertures à la concurrence qui ont déjà été effectuées. »
Faut–il donc accepter les dénationalisations, les privatisations déjà engagées, avec toutes les remises en cause des acquis sociaux qu'elles signifient? Il conclut ce document en évoquant la nécessité d'« une réforme des traités européens », c'est–à–dire qu'il refuse de remettre en cause le cadre de l'Union européenne et des traités de Maastricht et d'Amsterdam, d'où vient toute la politique de destruction des services publics.
Il propose un « moratoire sur les déréglementations et les privatisations », c'est–à–dire leur simple suspension et non leur annulation.
Dans ce texte, dont nous pouvons éventuellement fournir copie intégrale à ceux de nos lecteurs qui le souhaiteraient, Khalfa ne s'oppose nullement au projet de mise en place des SIG et se satisfait même que l'article 16 du traité d'Amsterdam « reconnaisse leur rôle ».
Il estime qu'il est possible d'y « construire un espace de débat démocratique, afin que les usagers–citoyens puissent peser sur les options possibles ».
Il regrette qu'« un bilan sérieux » n'ait pas encore été fait de ce qui s'est passé à FranceTélécom.
La réalité désastreuse – que Pierre Khalfa ne peut pas ne pas connaître jusque dans les moindres détails, répétons–le – n'est–elle pas un bilan à ses yeux ?
L'agression généralisée contre les travailleurs de La Poste, que prépare son président sur ordre du gouvernement français et de la Commission de Bruxelles, relève–t–elle de ce qui se discute courtoisement dans les salons des forums sociaux ou appelle–t–elle que tout – c'est–à–dire la mobilisation dans l'unité – soit mis en œuvre pour l'interdire?
Ce débat ne peut être esquivé.
FRANÇOIS PÉRICARD (semaine du 16 au 22 juillet 2003 – n°598)
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