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A propos des "forums mondiaux" de Porto Alegre et de Davos Porto Alegre, anti–Davos ?

La troisième édition du Forum social mondial (FSM) va se tenir dans une semaine, à Porto Alegre (Brésil), du 23 au 27 janvier. Cette année encore, il sera concomitant au Forum économique mondial de Davos (Suisse), qui, du 27 janvier au 1er février, rassemblera patrons de multinationales et hommes d'État.
Porto Alegre, nous dit–on, ce serait l'anti–Davos, les organisateurs du premier accusant ceux du second de propager "la domination du monde par le capital suivant les paramètres du néolibéralisme".
Mais certains, comme le gouvernement Jospin, l'an dernier, ne trouvent pas gênant, tout au contraire, de soutenir, voire de participer aux deux forums. Il n'est pas le seul : lors d'une téléconférence entre Davos, où il était, et Porto Alegre, le spéculateur George Soros avait déclaré à Bernard Cassen, alors président d'ATTAC, en janvier 2001 : "Je suis en faveur de la taxe Tobin."
De même, l'ex–P–DG de Vivendi Universal, Jean-Marie Messier, présent à Davos, s'était félicité, sur France 2, que Porto Alegre soit "un vrai phénomène", souhaitant que ce forum soit "un moyen d'instaurer et d'initier un dialogue entre les entreprises et les représentants de la société civile, les organisations sociales, de type ONG".
Porto Alegre, anti–Davos ? A l'évidence, les choses ne sont pas si simples. Nous avons souhaité en savoir plus.
YAN LEGOFF    (semaine du 15 au 21 janvier 2003- n°572)

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Quand une multinationale américaine finance le Forum social mondial

ENQUÊTE
La fondation Ford, à la tête d'un empire financier se comptant en milliards de dollars et dirigée par de grandes multinationales américaines, est probablement l'un des tout premiers financeurs du Forum social mondial de Porto Alegre, qui proclame pourtant son opposition "au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital".
Le forum social mondial (FSM), qui se décline désormais dans de multiples réunions continentales, réunira une troisième édition mondiale à Porto Alegre (Brésil), du 23 au 27 janvier 2003.
Des dizaines de milliers de personnes, représentants d'ONG et de partis, et même de gouvernements, sont attendues.
Le Forum social mondial se définit comme "un espace de rencontre ouvert destiné à approfondir la réflexion, le débat démocratique d'idées, la formulation de propositions, d'échange d'expériences et l'articulation d'actions efficaces entre les associations et mouvements de la société civile qui s'opposent au néolibéralisme et à la domination du monde par le capital et par toute forme d'impérialisme".
Quelle est cette "société civile" dont se réclament les organisateurs du forum de Porto Alegre?
En consultant la liste des "partenaires" du Forum social mondial, au nombre de 13 en 2001 et de 9 en 2002, on y retrouve, pour ces deux années, la fondation Ford.
Fondée en 1936 par le géant américain de l'industrie automobile, la puissance financière de cette fondation, agissant sur tous les continents, donne le vertige. Elle possèdait, en 2000, 14,4 milliards d'actifs financiers (actions boursières et obligations d'État), générant un revenu de 2,4 milliards de dollars.
La fondation Ford affiche ouvertement des objectifs clairement politiques, tels que celui "d'encourager la collaboration entre les secteurs à but non lucratif, les gouvernements et les entreprises, dans le but de "renforcer les valeurs démocratiques ".
La démocratie, pour cette fondation, passe donc par la collaboration entre les classes.
Mais alors, pourquoi cette fondation américaine financerait–elle le forum de Porto Alegre, qui déclare, on l'a vu, vouloir "s'opposer à la domination du monde par le capital" ?
On est en droit de s'interroger. Car c'est par centaines de milliers de dollars, et sans doute bien plus encore, que la fondation Ford arrose néanmoins le Forum social mondial.
Nous n'avons pu, pour la rédaction de cet article, passer au crible qu'une petite fraction des milliers de subventions versées ces trois dernières années par cette fondation dans le monde.
Une étude partielle révèle ceci ; concernant le financement du Forum social mondial :
– 100 000 dollars versés à l'Association brésilienne des ONG (ABONG) pour "soutenir l'organisation du premier Forum social mondial à Porto Alegre, en janvier 2001" ;
– 40 000 dollars versés à l'ABONG "pour tenir un séminaire sur les mécanismes internationaux de protection des droits de l'homme à l'occasion du deuxième FSM" ;
– 65 600 dollars versés au Centre d'études féministes et d'assistance "pour coordonner une campagne contre les dogmes fondamentalistes pendant le deuxième FSM" ;
– 100 000 dollars versés à l'ABONG "pour un séminaire et une rencontre internationale visant à améliorer la qualité de l'information disponible sur le secteur des ONG dans le Sud" ;
– 20 000 dollars versés à l'ABONG "pour améliorer le dialogue entre les ONG brésiliennes et celles du monde" ;
– 123 000 dollars versés à l'ABONG "pour renforcer le conseil international du FSM en tant qu'organisme décisionnel et opérationnel du FSM".
Précisons que l'ABONG, tout comme ATTAC, font partie des huit organisations membres du secrétariat du Forum social mondial qui chapeaute son conseil international.
On y retrouve également l'Association brésilienne des entrepreneurs pour la citoyenneté (CIVES), la commission Justice et Paix de la Conférence nationale des évêques brésiliens, ainsi que la centrale syndicale CUT, dont l'indépendance vis–à–vis du gouvernement et des patrons est l'un des principaux enjeux de la situation ouverte aujourd'hui au Brésil.
Des patrons, des évêques trouveraient donc leur intérêt à s'allier à des syndicalistes, avec le financement de multinationales américaines, pour s'opposer à la "domination du monde par le capital" et "à toute forme d'impérialisme"? C'est décidément de plus en plus bizarre. Cela nous a incités, à Informations ouvrières, à poursuivre cette enquête dans notre prochain numéro.
Y.L.    (semaine du 15 au 21 janvier 2003- n°572)

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Coca–Cola, "partenaire stratégique" de Davos… et de Porto Alegre.

Coca–Cola, qui siège au conseil d'administration de la fondation Ford, qui finance par centaines de millions de dollars le Forum social mondial de Porto Alegre, fait partie des 34 "partenaires stratégiques" du Forum économique mondial de Davos.
De même, Afsaneh Beschloss, présidente et P–DG de la banque d'affaires américaine Carlyle, ancienne haut fonctionnaire de la Banque mondiale, est membre du conseil d'administration de la fondation Ford, partenaire du Forum de Porto Alegre. Mais elle participe également au forum de Davos.
Lors de l'édition 2001, elle a pris part à un débat intitulé "La réforme des systèmes de retraite… une course contre le temps", y déclarant notamment : "Dans de nombreux pays émergents, les systèmes publics de retraite ont produit des résultats inférieurs à ceux gérés par le secteur privé. Les fonds de pension ont diversifié leurs actifs financiers."
Depuis cette date, les fonds de pension font faillite les uns après les autres du fait de l'effondrement des Bourses mondiales…
Le forum de Davos lui–même copie celui de Porto Alegre. Les organisateurs du premier font en effet savoir que cette année, à Davos, « les organisations de la société civile – incluant des Églises, des ONG et des organisations à but non lucratif – tiendront des débats ouverts au public. Ces événements se tiendront en conjonction avec le forum sous le titre "Forum ouvert de Davos 2003". » Et de préciser : "Les plus de 2 000 participants de la réunion annuelle du Forum économique mondial comprennent des dirigeants dans plusieurs domaines : 50 dirigeants religieux, 100 représentants d'ONG, 200 experts, 230 personnalités, 400 représentants des médias et 1 000 représentants d'entreprises."
Nous y reviendrons la semaine prochaine.
Y.L.    (semaine du 15 au 21 janvier 2003- n°572)
Tous les faits relevés dans ce dossiers peuvent être retrouvés sur les sites Internet suivants :
www.fordfund.org ; www.attac.org ; www.weforum.org

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Davos et Porto Alegre, "en passe de marcher ensemble"

ENQUÊTE
Le Forum social mondial de Porto Alegre (Brésil) et le Forum économique mondial de Davos (Suisse), au moment où nous bouclons cette page, ne se sont pas encore achevés. Le premier rassemblait ceux qui réclament une "autre mondialisation", le second réunissant le gotha de la finance mondiale.
Plus encore que les années précédentes, différents commentateurs ont tenu à souligner l'existence de "passerelles" entre les deux. Un journal régional comme Le Berry républicain pose par exemple cette question : "Davos, Porto Alegre, les deux forums qui devaient être l'antithèse l'un de l'autre, sont-ils en passe de marcher ensemble ?"

Le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, deux jours avant l'ouverture des deux forums, le 21 janvier, à l'Assemblée nationale, avait déclaré : "Le gouvernement participera également au Forum de Davos et au sommet de Porto Alegre, avec les parlementaires, aux côtés des associations qui veulent défendre la place de l'homme dans la mondialisation." Le gouvernement, qui a envoyé trois ministres à Porto Alegre et autant à Davos, serait "côte à côte" avec des associations comme ATTAC ? Raffarin force peut-être un peu le trait. Pas tant que ça, en fait. L'ex-président d'ATTAC, Bernard Cassen, n'a-t-il pas dit lui-même, le 17 novembre dernier :
"Nous n'appelons à voter pour personne. Nous n'avons fait qu'une exception après le 21 avril (1). Nous sommes pour la plupart d'entre nous memres de la majorité présidentielle" (2). ATTAC, membre de la "majorité présidentielle" ? Décidément...
N'est-ce pas cette "majorité présidentielle" qui,aujourd'hui veut allonger la durée de cotisation pour les retraites, introduire des"compléments de capitalisation", c'est-à-dire les fonds de pension? N'est-ce pas cette "majorité présidentielle" qui veut autoriser les régions à faire leurs propres lois et qui maintient son intention d'ouvrir le capital d'EDF-GDF?
ATTAC : "NOUS SOMMES MEMBRES DE LA MAJORITÉ PRÉSIDENTIELLE"
Est-ce pour cette raison que ce même Cassen a été reçu à Matignon le 14 janvier, pour "boucler le budget" du prochain Forum social européen, qui se tiendra à Paris et Saint-Denis? "Manque encore un million d'euros", indiquait Le Figaro (17 janvier). "Pour le trouver, les organisateurs comptent sur la région Île-de-France, l'Europe et le gouvernement français."
Et Cassen confirmait : "J'ai demandé l'appui financier du gouvernement (...), qui nous aidera dans nos démarches auprès de la Commission européenne et du Parlement de Strasbourg".
Cela devient de plus en plus clair. ATTAC est pour l'Union européenne, elle sollicite même son soutien financier. Faut-il en conclure que c'est aussi la position des organisations dirigeant ATTAC, comme SUD (représenté notamment par Christophe Aguiton, membre de la direction de la LCR) ?
Selon Gustave Massiah, vice-président d'ATTAC, "il faut changer notre rapport au politique : la question n'est pas de revendiquer, mais de négocier (...). Ce qu'on obtient, c'est toujours ça de gagné" (L'Humanité, 23 janvier).
Sans vouloir faire de mauvais esprit, la seule chose de vraiment clair dans cette curieuse opposition entre "négociation" et "revendication", c'est surtout ce que les dirigeants d'ATTAC y "gagnent" pour leur financement.
Pour Susan George, vice-président d'ATTAC, le Forum de Porto Alegre permet de "rassembler des gens d'origines, de nationalités, de professions très différentes (même des ministres du gouvernement Chirac-Raffarin, aurait-elle pu ajouter), qui ont tous conscience d'être engagés dans un combat commun (...). Il s'agit d'un animal politique entièrement nouveau". Un drôle d"'animal", quand même.
YAN LEGOFF    (semaine du 15 au 21 janvier 2003- n°572)

(1) A la suite du premier tour de l'élection présidentielle, le 21 avril 2002, ATTAC avait appelé à voter pour Chirac au second tour.
(2) Propos tenu lors d'une réunion du "Club du 17 novembre" (club animé par Anne Hidalgo, premiére ajointe à la mairie de Paris, proche de François Hollande),

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Luc Ferry, ministre de Chirac : "On se retrouve sur tout"

Le président Jacques Chirac a mandaté son ministre de l'Éducation, Luc ferry, au Forum social mondial de Porto Alegre, "étape incontournable pour tout gouvernement de droite ou de gauche", note Le Parisien (24 janvier).
M. Ferry veut fermer les classes à tour de bras à la rentrée prochaine, et même des écoles entières. Il veut disloquer l'école républicaine, la remettre aux régions, trouve qu'on s'y "ennuie". Il s'apprête à jeter au chômage 20 000 aides-éducateurs, à détruire le statut national de tous ses personnels. Et qu'a-t-il dit à sa descente d'avion? "Un gouvernement comme le nôtre ne peut pas se désintéresser du plus grand mouvement social dans le monde."
Et le ministre a participé aux débats : "On se retrouve sur tout, c'est presque social-démocrate, je m'attendais à un truc plus radical", s'est-il félicité.
NICOLE FISCHER    (semaine du 15 au 21 janvier 2003- n°572)

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Cherchez la différence

A PORTO ALEGRE, LES "ALTERMONDIALISTES"
Luc Ferry, ministre de l'Education nationale (voir ci-dessus), qui, "samedi 25 janvier, accepte l'invitation de l'association ATTAC, dialoguant ferme avec son président, Jacques Nikonoff" (Le Monde, 28 janvier).
Nicole Ameline, ministre déléguée à la Parité : "C'est une nouvelle conscience qui naît."
Tokia Saïfi, secrétaire d'État au Développement durable : "Aujourd'hui, ce forum est devenu incontournable. Même s'il s'y dit des choses qui relèvent de l'utopie, il a su imposer une autre forme de pensée" (AFP, 26 janvier).
Une délégation de six parlementaires français - Maurice Leroy, Nicole Ameline, député UDF, Jean-Louis Bianco, député PS, Serge Lepeltier, sénateur et secretaire général adjoint de UMP, Serge Grouard, député UMP, et Marie-Christine Blandin, sénatrice des Verts - s'est rendue à Porto Alegre. Lepeltier a précisé qu' "Alain Juppé (président de l'UMP) a souhaité que l'UMP soit représentée à Porto Alegre, qui constitue un moment fort des grands rendez-vous internationaux" (AFP,17 janvier). Le plan Juppé en délégation à Porto Alegre!

ET

A DAVOS, LES MULTINATIONALES
Francis Mer, ministre de l'Economie : "Nous allons expliquer comment nous pouvons participer à la restauration de la confiance économique". Il a déclaré ensuite, en réponse au secrétaire d'État américain, Colin Powell, qui réclamait des "réformes du marché de l'emploi" en Europe : "Je ne peux pas nier que la lente évolution de nos réformes n'est pas un signe positif". Le petit doigt sur la couture du pantalon...
François Loos, ministre délégué au Commerce extérieur : "On fait de la gouvernance mondiale pour faire de la redistribution. C'est humainement ce que l'on veut."
Touchant...
(semaine du 15 au 21 janvier 2003- n°572)

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La "démocratie participative" à l'œuvre

L'Humanité (23 janvier) publie une interviewe du maire de Caixas do Sul, une ville industrielle, de l'État brésilien de Rio Grande do Sul (dont Porto Alegre est la capitale), qui a institué, dès son arrivée au pouvoir, le "budget participatif" :
"Pour les habitants d'un quartier qui dispose d'une meilleure infrastructure; il est naturel de renoncer à leur demande, au bénéfice des habitants d'un autre quartier moins bien pourvu."
Pendant ce temps-là, le Brésil a payé sa dette au FMI... Appliquez cette logique aux retraites : les fonctionnaires cotisent durant 37,5 années, et les travailleurs du privé 40 années. Dans quelle sens, à votre avis, s'appliquerait cette "démocratie participative" ?
Il y en a au moins un qui est content : Olivier Besancenot, tout fier, rappelle que la LCR a "largement contribué à faire connaître l'expérience du budget participatif de nos camarades de Porto Alegre" (AFP, 20 janvier).
(semaine du 29 janvier au 4 février 2003 - n°574)

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Le salut de la Banque mondiale à Porto Alegre

ÉCLAIRAGE
James Wolfensohn, président de la Banque mondiale, a adressé un salut chaleureux aux délégués du Forum social mondial de Porto Alegre qui vient de s'achever, sous le titre "Un monde meilleur est possible", clin d'œil appuyé au slogan de ce forum ("Un autre monde est possible"). Et pourtant, la Banque mondiale, avec le Fonds monétaire international, n'étrangle–t–elle pas les pays du monde entier?
"Durant la dernière décennie nous avons activement dialogue avec les organisations de la société civile, écrit Wolfensohn, y compris à travers les projets que nous finançons." C'est exact : 13 % des prêts de la Banque mondiale servent à financer la "participation" des ONG. 13 % de 17,3 milliards de prêts faits au cours de l'année 2001, cela fait 2,25 milliards de dollars, qui viennent s'ajouter chaque année à la dette des pays concernés. Et ce n'est qu'un début : "Le rôle des organisations de la société civile aux niveaux local et mondial continuera de s'accroître", ajoute Wolfensohn, qui conclut son salut par ces mots : "Mes collègues et moi–même avons suivi les débats des deux derniers Forums sociaux mondiaux et nous discuterons avec intérêt des idées et propositions qui émergeront cette année (…). Nous pouvons travailler ensemble beaucoup plus étroitement."
Les organisateurs du forum de Porto Alegre (dont ATTAC) indiquent de leur côté, dans un communiqué : "Malgré l'augmentation des inscriptions et les contributions des organisations internationales comme la fondation Ford des États–Unis (qui contribuera à hauteur de 500 000 dollars), du gouvernement de l'État de Rio Grande do Sul et de la municipalité de Porto Alegre (600 000 dollars au total), et du parrainage de la Petrobras et de la Banque du Brésil (400 000 dollars au total), les organisateurs projettent un déficit de 246 000 dollars."
Le gouvernement d'un État brésilien de "centre droit", une fondation américaine dirigée par des multinationales (voir Informations ouvrières, n° 572), une compagnie pétrolière, une banque ont donc officiellement financé le forum de "l'altermondialisation ". Quant au déficit annoncé, cela ne devrait pas poser trop de problèmes…
YAN LEGOFF     (semaine du 5 au 11 février 2003 – n°575)

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FORUM SOCIAL OU LUTTE DE CLASSE?

Revendiquer "une gouvernance mondiale" sur la base de la destruction des législations sociales nationales?

À PROPOS D'UNE DÉCLARATION DE SYNDICATS AUX FORUMS DE PORTO ALEGRE ET DE DAVOS

Plusieurs organisations syndicales internationales (1), participant au Forum social mondial de Porto Alegre et regroupées sous une même bannière intitulée "Global Unions", ont adressé une "déclaration syndicale" à ce forum et au Forum économique mondial de Davos, qui se sont tenus simultanément fin janvier. Cette déclaration revendique "une action urgente pour assurer une gouvernance efficace mondiale".
Qu'est-ce que cette notion de "gouvernance", répétée au moins huit fois dans la déclaration de deux pages de ces organisations ?
"La mondialisation, précise ce texte, a besoin de gouvernance pour que les citoyens et les citoyennes, où que ce soit dans le monde, aient la garantie de disposer de leurs droits fondamentaux et de la règle de droit."
Assurément, il est urgent de mettre un coup d'arrêt à la déferlante de déréglementation qui détruit partout dans le monde les conquêtes sociales que sont les Codes du travail, les conventions collectives, les régimes de protection sociale collective inscrits dans le cadre de chaque nation. Mais est-ce de cela qu'il s'agit?
La déclaration poursuit : "Un élément essentiel de la gouvernance mondiale passe par le besoin pour le FMI, la Banque mondiale et l'OMC d'agir de concert avec l'appareil des Nations unies, et par la nécessité pour ces institutions d'être plus transparentes et démocratiquement" responsables."
On a ici du mal à comprendre : en Europe, on le constate tous les jours, l'Union européenne foule aux pieds les législations protectrices nationales.
En Afrique, en Asie, en Amérique latine, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale interviennent comme en terrain conquis dans tous les pays, au mépris des souverainetés nationales, pour imposer leurs diktats de privatisation et de destruction sociale.
Que peut-il y avoir de "transparent" et de "démocratiquement responsable" là-dedans?
La déclaration revendique, dans le même mouvement, "un dialogue entre employeurs et syndicats, avec des accords négociés à l'échelon mondiale."
Une question se pose : faudrait-il, au nom de la "mondialisation", abandonner le combat pour la défense et la reconquête de toutes les réglementations sociales nationales - dont l'existence n'est même pas signalée dans la déclaration - imposées par la lutte de classe des travailleurs et de leurs organisations depuis des décennies, pour y substituer un hypothétique "droit social mondial" ?
Faudrait-il en plus confier le soin de bâtir cet hypothétique "droit social mondial" à des institutions qui sont aujourd'hui des instruments essentiels de la déréglementation?
On est en droit en penser que ce n'est pas réaliste. On est en droit de craindre que si des organisations ouvrières faisaient ce funeste choix, elles courraient le risque d'accompagner un gigantesque recul social. Cela signifierait aussi, à terme, la destruction de ces organisations, car on n'a jamais vu, dans l'histoire, un syndicat se construire sur le terrain de la négation des droits.
On voit déjà ce qu'il en est du prétendu "droit social européen". Par exemple, au nom de la directive européenne 76-207, le gouvernement français (dirigé à l'époque par Jospin) a aboli l'interdiction séculaire du travail de nuit des femmes dans l'industrie. Ce même gouvernement, transposant la directive 94/33/CEE, a effacé du Code du travail l'interdiction faite à tout employeur de faire entrer un enfant en âge scolaire dans les locaux de son entreprise. Faudrait-il encore allonger cette liste honteuse?
YAN LEGOFF     (semaine du 12 au 18 février 2003 - n°576)
(1) Il s'agit de la Confédération internationale des syndicats libres (CISL), de plusieurs fédérations syndicales internationales (incluant : FITBB, UITA, IMF, ISP, IE, FITTHC, ITF, ICEM), de l'Union Network International (UNI), de la Commission syndicale consultative (TUAC) auprès de l'OCDE, de la Confédération mondiale du travail (CMT) et de la Confédération européenne des syndicats (CES).

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D'un Forum mondial de l'éducation à l'autre, une parfaite continuité : celle de l'adaptation au plan de destruction de l'enseignement public

Le deuxième Forum mondial de l'éducation s'est tenu à Porto Alegre (Brésil) en janvier 2003 ; décision y a été prise d'élaborer une « plate-forme mondiale de l'éducation ».
Cette plate-forme doit confirmer les principes et les valeurs consignés dans une charte adoptée en octobre 2001, lors du premier Forum mondial.
On y traite d'une « éducation publique et de qualité pour tous les hommes et femmes ». On y parle « d'école citoyenne », fondée sur un « programme inter et multiculturel sensible aux différences, source de pratiques démocratiques, avec des processus d'évaluation émancipatrice et productrice de connaissances qui préparent tous les êtres humains à une citoyenneté active ».

L'école est un droit et non une marchandise! Certes, mais ce droit est décliné d'une curieuse manière par les promoteurs du Forum mondial de l'éducation; il ne s'agit plus de rétablir le droit à l'instruction :
« Il convient de transformer beaucoup de pratiques pédagogiques actuelles, il ne s'agit pas seulement de défendre l'école publique, mais aussi de la transformer; (...) cela implique le respect de principes d'organisation démocratiques : organisation du curriculum par cycles pluri-annuels plutôt que par classes d'une durée d'un an, en prenant garde que les pratiques correspondant à cette organisation par cycle soient mises en place ; gestion démocratique et participative des établissements avec participation des élèves eux-mêmes, de représentants des parents, de représentants de la communauté ; réunions régulières entre enseignants et développement de pratiques pédagogiques en équipes interdisciplinaires. »
La démocratie participative appliquée à l'école, en quelque sorte : les élèves eux-mêmes et leurs parents associés, avec les « représentants de la communauté » appelés à supprimer la notion de classe, avec tout ce qui l'accompagne, le programme, le niveau scolaire, les connaissances acquises à chaque niveau!
Et le Forum mondial ne manque pas d'« experts ». Luc Ferry, acteur des forums, y a proposé à son homologue brésilien de s'inspirer de sa politique, en particulier sur l'enseignement professionnel et l'enseignement supérieur!
Autonomie des universités, destruction des titres et diplômes nationaux, abandon au patronat de la formation professionnelle. Jack Lang, autre participant, y a estimé « fondamental de travailler en fonction des situations locales ». Le contraire d'une école publique nationale avec de mêmes droits pour tous les élèves, de mêmes programmes, de mêmes horaires, des maîtres au statut identique. L'Union européenne préconise, comme l'ancien ministre, une formation décentralisée, « car c'est au niveau local que les organisations de la société civile et les associations sont le mieux implantées ».
Le ministre et son prédécesseur ont côtoyé à Porto Alegre d'éminents syndicalistes et de nombreux spécialistes, experts en « sciences de l'éducation » ; ainsi va la pratique consensuelle des forums.
LE FORUM MONDIAL DE L'ÉDUCATION VEUT SUPPRIMER LA NOTION DE CLASSE :
LE PROGRAMME, LE NIVEAU SCOLAIRE, LES CONNAISSANCES ACQUISES!

Pour les signataires des chartes et déclarations du Forum mondial, l'école publique est « un espace et un moment de rencontres entre hommes et femmes de tous âges avec des trajectoires jusqu'ici à peine entrevues ».
Ce jargon peut être éclairé par la « revendication d'une éducation publique gratuite et de qualité pour toutes et tous, qui soit accessible tout au long de la vie », et l'exigence faite aux gouvernements « d'offrir une éducation de base obligatoire d'au moins neuf ans » (le curriculum) ! Au nom de la formation tout au long de la vie, le droit à l'instruction serait réduit à un minimum « de base ».
Sur tous les continents, l'existence même de l'école publique est menacée, en application d'une politique initiée par les institutions internationales (Banque mondiale, FMI, OMC, Union européenne). Cette politique se traduit par la remise en cause du service public d'éducation. Et cette offensive destructrice est développée au nom de la « formation tout au long de la vie ».
Les plus lourdes menaces pèsent sur les systèmes nationaux d'éducation ; l'Assemblée générale de l'OIT de juin 2003 va discuter de la révision de la recommandation 150 sur la formation professionnelle ; cette révision se ferait aussi au nom de la « formation tout au long de la vie » et entérinerait la substitution des compétences aux qualifications, le remplacement du droit à la scolarisation par l'éducation dite « non formelle » ou « informelle », qui compléteront le minimum « de base ». De ces menaces immédiates, les chartes et déclarations du Forum mondial de l'éducation ne parlent pas.
Il est nécessaire d'établir en toute clarté que le Forum mondial de l'éducation et toutes ses succursales s'appliquent à maquiller et à relayer les positions qu'ils prétendent combattre.
Contre les privatisations, contre la déréglementation, pour la défense des conventions collectives et des statuts, pour la défense des services publics d'éducation, la conférence internationale de juin 2003 (1) fournira des points d'appui à la résistance qui s'exprime sur tous les continents.
HUBERT RAGUIN     (semaine du 14 au 20 mai 2003 - n°589)
(1) Conférence internationale contre la guerre, pour la défense de l'enseignement public, organisée à l'initiative de l'Entente internationale des travailleurs et des peuples, le 14 et 15 juin 2003.

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