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DU GATT (1947) À L'OMC (1995)

Pourquoi et comment l'Organisation mondiale du commerce a–t–elle été créée?

ANALYSE
L'OMC trouve ses origines dans l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, appelé GATT et signé d²egrave;s 1947.
Dans le milieu des années 1970, les négociations du GATT se sont en fait surtout concentrées sur les législations nationales, y compris sociales, censées constituer des obstacles au commerce.

Le 30 octobre 1947, 27 pays signent l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ou GATT, selon l'abréviation anglaise. C'est, dès l'origine, un instrument de l'impérialisme américain :
« L'économie américaine a besoin de débouchés à l'extérieur pour une industrie que la guerre a puissamment développée. L'ouverture des marchés demandée aux Européens sera la contrepartie » du plan Marshall (1).
De 1947 à 1994 : les droits de douane sur les produits industriels ont progressivement été divisés par huit en moyenne au cours d'une série de huit cycles de négociations (ou « rounds », en anglais). Mais ce n'est qu'une partie seulement des résultats du GATT.
25 MARS 1957
La signature du traité de Rome entre six pays européens et la création de la Communauté économique européenne (CEE) donnent « au mouvement de libéralisation des échanges un élan décisif ».
1973 : UN TOURNANT
C'est à cette date qu'est lancé le Tokyo Round, achevé en 1979, et qui marque un tournant.
Tout d'abord, il intervient après la décision prise par le président américain Nixon de mettre fin à la parité fixe entre l'or et le dollar, ouvrant un mouvement de déréglementation tous azimuts et de pression décuplée de l'impérialisme américain sur tous ses concurrents.
C'est la fin des prétendues « Trente Glorieuses », période qui vit un développement relatif de l'économie mondiale du fait des marchés de reconstruction d'après–guerre et de la relance des dépenses d'armement.
C'est le début, dans tous les pays, d'un mouvement de remise en cause par le capital de toutes les relations sociales issues de l'après–guerre.
Il s'agit de « réduire substantiellement les obstacles non tarifaires » : cet objectif viendra désormais de plus en plus au premier plan des négociations du GATT. En effet, les tarifs douaniers, dont la réduction était le principal objet des précédentes négociations, sont des taxes, perçues et décidées par un État sur des marchandises étrangères importées.
LES LÉGISLATIONS NATIONALES DEVIENNENT DES OBSTACLES À ABATTRE
Les obstacles « non tarifaires » concernent, eux, les conditions de productions et d'échanges sur le territoire national : subventions internes, existence de monopoles publics, de réglementations diverses (normes sanitaires, techniques et même sociales). En clair, ce qui devient la cible d'une ingérence permanente du GATT, c'est la législation interne des États.
Ainsi, le Tokyo Round élabore un « code » pour les subventions publiques accordées par les États, car « si elles sont accordées à la production intérieure, elle peuvent avoir pour effet d'amener le prix du produit national au–dessus du prix du produit étranger concurrent ». C'est pourquoi l'OMC exige aujourd'hui de la Russie, en vue de son adhésion, qu'elle mette fin à la subvention du gaz sur le marché intérieur. Tant pis si encore plus de Russes ne pourront plus se chauffer l'hiver!
Dès lors, les législations nationales – et donc les nations dans lesquelles elles sont inscrites – deviennent des obstacles à abattre. Le projet d'accord multilatéral sur l'investissement (AMI), lancé en 1995 et officiellement enterré en 1998, ne fit que pousser cette logique à son terme, en interdisant à l'État hôte « d'adopter une législation pouvant modifier les conditions d'exploitation des firmes étrangères. Cette possibilité est ouverte dans certains accords bilatéraux et existe au sein de l'ALENA (…). Cette clause dite "d'immobilisation" ouvrait le droit à tout investisseur de contester devant les tribunaux des mesures concernant, par exemple l'environnement ou les acquis sociaux. »
Ce que l'AMI ne parvint pas à réaliser, de multiples accords régionaux le mettront en œuvre. L'Union européenne en est un exemple. Les directives européennes – qui deviendraient « lois européennes » directement applicables selon le projet de « Constitution européenne » qui sera soumis à partir du 4 octobre prochain à une conférence intergouvernementale (CIG), à Rome – s'imposent aux États membres et prévalent sur les législations nationales, même lorsque ces dernières leur sont contradictoires. Déjà, par le passé, des patrons n'ont pas hésité à porter plainte, avec succès, devant la Cour de justice européenne, s'appuyant par exemple sur une directive européenne, afin de rétablir le travail de nuit des femmes dans l'industrie, pourtant interdit depuis plus d'un siècle par la législation française.
1986 : LANCEMENT DE L'URUGUAY ROUND
Achevé en 1994, ce sera le dernier cycle de négociations sous l'égide du GATT.
Les tarifs douaniers sont encore abaissés. En outre, au total, 28 accords seront signés, s'attaquant à des domaines très importants jusque–là exclus des négociations : la propriété intellectuelle et les services, poussant à la privatisation de ces derniers dans le monde entier. L'extension de ces accords se poursuivra sous l'OMC (en particulier pour les services : accord dit AGCS).
Le sort de l'agriculture a été au centre de l'Uruguay Round.
Là comme partout ailleurs, les institutions supranationales de la CEE, puis de l'Union européenne, seront le cadre d'alignement des économies européennes aux exigences de l'impérialisme américain (réformes de la PAC de 1992 et 1999).
En fin de compte, « l'acte final de Marrakech (1994) marque la fin de l'exception agricole. L'intervention publique en faveur de l'agriculture n'est plus considérée comme un domaine relevant de la souveraineté exclusive des États. Les produits agricoles sont désormais soumis à un cadre multilatéral de disciplines. »
15 AVRIL 1994
Signature à Marrakech de l'accord créant l'OMC, qui « prolonge le GATT ».
Ce qui a été en fait institutionnalisé, c'est un cadre de remise en cause permanente des législations nationales au profit des multinationales.
Y.L.    (semaine du 17 au 23 septembre 2003 – n°607)

(1) Cette citation et les suivantes sont extraites de L'Organisation mondiale du commerce, coIlection Que Sais–je ?, PUF (avril 2003). L'auteur, Daniel Jouanneau, est ministre plénipotentiaire.

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