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Réflexions sur le rassemblement "altermondialiste" du plateau du Larzac

Près de deux cent mille personnes ont participé au rassemblement convoqué sur le plateau du Larzac (Aveyron) par la Confédération paysanne de José Bové, ainsi que par "Via Campesina, Public Citizen, ATTAC ou Greenpeace" (AFP, 6 août), où se côtoyaient « militants altermondialistes, antinucléaires, pacifistes, régionalistes, associatifs, intermittents du spectacle, syndicalistes et "historiques" de la lutte contre l'extension du camp militaire dans les années 1970 » (Le Télégramme, 11 août). Beaucoup de jeunes, de salariés, venus exprimer leur rejet de la "mondialisation" et de la guerre, leur rejet des politiques menées par l'Organisation mondiale du commerce (OMC), du FMI, de la Banque mondiale, de l'Union européenne...
Les partis de I'ex-"gauche plurielle" et I'OMC.
« C'est dans ce cadre qu'essaient de se faufiler les dirigeants politiques de gauche, note le quotidien Libération, daté du 8 août. Le PCF sera représenté par Marie-George Buffet, les Verts par Gilles Lemaire, leur secrétaire national. Quant au PS (...), sa délégation sera conduite par Martin Malvy, président du conseil régional de Midi-Pyrénées. »
« Pourtant,
ne manquent pas de rappeler Les Echos (8 et 9 août), le positionnement de ces partis relève d'un équilibre incertain. Réunis au sein du gouvernement Jospin, tous trois avaient cautionné la définition des thèmes de la négociation actuellement en cours à l'OMC. »
Il est vrai cependant que, comme le note Le Télégramme (11 août), « Larzac 2003 s'est aussi fait en dehors des partis politiques ». Et pour cause, comme l'explique Christophe Aguiton, dirigeant d'ATTAC et de la LCR, plus besoin de partis et de syndicats, mais de « réseaux », de « société civile ».
ATTAC et l'OMC.
Que disent justement les représentants d'ATTAC à propos des futures négociations de l'OMC, qui doivent s'ouvrir à Cancun (Mexique) au mois de septembre ? « Les militants altermondialistes d'ATTAC, de la Confédération paysanne de José Bové ou de l'union syndicale GIO-Solidaires qui se retrouveront au Larzac contestant depuis plusieurs années l'opacité qui régit les discussions à l'OMC et le peu de poids qui y est accordé aux pays les plus pauvres », rapporte l'AFP, le 6 août.
Jacques Nikonoff, président à ATTAC, dans La Tribune (8 août 2003), explique que « l'OMC a été conçue pour, développer le libre-échange, qui assure la domination des pays riches sur les pays pauvres, au lieu de promouvoir une coopération internationale ».
Opacité? Faut-il reprocher à l'OMC de ne pas être assez démocratique? Faudrait-il une OMC plus « transparente » ? Ou bien s'agit-il, tout comme le Fonds monétaire international, comme la Banque mondiale, comme l'Union européenne, d'un instrument de la classe capitaliste, et notamment de l'impérialisme américain, pour écraser les peuples?
Un "audit" sur les conséquences de la politique de l'OMC ?
Indéniablement, l'immense majorité des milliers de manifestants du Larzac ont exprimé, comme des millions de travailleurs dans le monde entier, la recherche du combat contre l'OMC, le FMI, la politique mondiale de privatisation et de déréglementation...
Mais comment ne pas s'étonner alors de lire, dans Le Figaro, que « Christophe Aguiton, membre d'ATTAC, qui a fait le déplacement dans le Larzac, veut défendre l'idée d'un moratoire des décisions de l'OMC et d'un véritable audit pour mesurer les effets de la politique commerciale mondiale. » Un « moratoire » (c'est-à-dire une « suspension provisoire », des décisions de l'OMC), un « audit » : dire cela, c'est accepter le cadre de l'OMC. Il faudrait « geler », les décisions de l'OMC et faire un « audit »? Les effets de la politique de l'OMC, du FMI, de l'Union européenne ne sont-ils pas constatés chaque jour dans leur chair par des milliards d'êtres humains?
"Au Brésil, les sans-terre continuent de se bagarrer pour une réforme agraire"
Ainsi, L'Humanité (9 et 10 août, journal du PCF, qui a soutenu tous les forums sociaux, publie une interview de Pedro Munhoz, musicien brésilien : « Au Brésil, les sans-terre, avec un million et demi de militants, continuent de se bagarrer pour une réforme agraire. Nos familles veulent y vivre et produire. »
Des centaines de milliers de paysans qui meurent de faim occupent les terres des grands propriétaires, car ils veulent vivre de leur travail… Des paysans chassés comme des animaux par les milices armées des grands propriétaires terriens...
Mais faudrait-il taire qu'ils sont confrontés à un ministre du Développement agraire, Miguel Rosseto, membre du courant Démocratie socialiste (l'équivalent à de la LCR en France, dont fait partie Christophe Aguiton)? Miguel Rosseto, l'un des organisateurs es Forums sociaux mondiaux qui se sont tenus à Porto Alegre. Un ministre qui refuse d'abolir les lois qui répriment les occupations des terres par les paysans (1). Un ministre qui déclarait, le 4 juillet dernier, dans le journal O Estado de Sao Paulo : « Nous ne tolérerons aucune manifestation violente, qu'elle vienne des sans-terre ou des milices armées par les propriétaires terriens. » Faudrait-il le taire?
Y a-t-il lutte de classe ou bien la lutte de classe doit-elle disparaître?

Jacques Nikonoff, président d'ATTAC, déclare dans La Tribune (8 août 2003) : « C'est la fête accompagnée de débats, de forums et de réflexions. Au cours des mois, le rassemblement a un peu changé de nature. Au départ, il s'agissait surtout d'organiser une étape, avec l'Organisation Mondiale de Commerce (OMC) à Cancun. Mais depuis, sont intervenus les mouvements de grèves en France, et la réunion du Larzac a pris un visage plus large, pour s'opposer à l'ensemble des politiques néolibéralistes. »
La « fête » contre les politique néo-libéralistes... Mais M. Nikonoff n'ignore pas que, pendant trois mois, loin de « faire la fête », des millions de travailleurs de notre pays ont cherché, avec leurs syndicats, à réaliser l'unité dans la grève générale pour sauver les retraites, pour reconquérir les 37,5 annuités de cotisation pour tous, public et privé. M. Nikonoff n'ignore pas que des milliers de TOS, de surveillants, d'enseignants ont fait grève pour le retrait des projets Ferry de « décentralisation ».
M. Nikonofff n'ignore pas que l'ensemble de ces mesures sont exigées, non seulement par l'OMC, mais aussi par l'Union européenne... Alors, pourquoi ne pas le dire?
Nous poursuivrons ce débat dans les colonnes d'Informations ouvrières.
DOMINIQUE FERRÉ      (semaine du 13 au 19 août 2003 - n°602)
(1) C'est ainsi que la Mesure provisoire 2183 (MP 2183), prise par l'ancien gouvernement Cardoso, qui exclut de la réforme agraire toute terre occupée par des paysans sans terre, n'a toujours pas été abrogée, malgré les demandes du Mouvement des paysans sans-terre et du directoire national du Parti des travailleurs du Brésil.

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Révolte et révolution

La météorologie sociale affichée à chacune des rentrées d'après vacances n'a jamais été ma tasse de thé. Fraîche, chaude ou brûlante, selon l'expression de l'oracle du Larzac, nul n'est en droit de pouvoir disposer à sa guise des forces sociales. Quoi qu'en dise José Bové, avec son allergie à l'égard des partis politiques - à cet égard il existe de dangereux précédents, y compris par certains s'affirmant de « gauche » -, il devrait apprendre qu'en toute circonstance, le mouvement « inconscient » a toujours besoin, pour se réaliser, d'une expression « consciente ».
Ainsi, la « révolte », façon Bové, n'a de sens que dans la perspective d'une « révolution », l'inverse pouvant déboucher sur les pires aventures réactionnaires. Toute l'histoire politique du siècle dernier est émaillée de ces nombreux exemples.
Sur le terrain factuel, l'emploi est une fois encore menacé : La désindustrialisation de la France devient une donnée réelle. Le tissu social, par relation, est en voie de complète décomposition.
L'exemple d'Alstom, et en premier lieu les menaces pesant sur plusieurs milliers d'emplois d'une entreprise livrée à l'encan, apporte une fois de plus la démonstration de l'impéritie d'un mode de production capitaliste arrivé à bout de course, qui, en s'appuyant sur sa propre logique, en appelle à l'intervention de l'État, afin qu'il socialise les pertes, au nom de la défense de l'intérêt général, alors que, a contrario, il exige toujours plus de libéralisme, pour privatiser les profits, au nom de la défense des intérêts particuliers.
Pour changer tout cela, il faudra beaucoup plus qu'une révolte. N'en déplaise à Bové, c'est bien d'une authentique révolution dont il s'agit.
ANGELO GEDDO     (semaine du 1er au 7 octobre - n°609)

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