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Poker menteur à Cancun

CINQUIÈME RENCONTRE MINISTÉRIELLE DE L'OMC

LES FAITS
Ainsi donc, les négociations lors de la cinquième rencontre ministérielle à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à Cancun (Mexique), se seraient soldées par un échec. En fait, il s'y est déroulé un jeu de poker menteur à grande échelle. Essayons d'y voir clair.
Un échec de « l'ultralibéralisme », des multinationales, serait intervenu à Cancun ? Allons donc…
Un « responsable européen » lâche cyniquement le morceau, sous couvert d'anonymat, à l'AFP (15 septembre) : « Les États–Unis ont joué l'échec de Cancun… On a fait monter la sauce de l'affrontement Nord-Sud… Si tout cela a été monté, c'est du grand art » .
Le gouvernement Bush est déjà déstabilisé au plan intérieur par la guerre qu'il mène en Irak et par la crise économique et financière, alors même que s'ouvre la campagne électorale pour l'élection présidentielle de 2004 ; qui pouvait laisser croire qu'il était dans l'intérêt de Bush de conclure maintenant quoi que ce soit à Cancun, alors qu'il a fait voter par le Congrès américain, en mai 2002, une augmentation de 78 % des subventions à l'agriculture américaine, dont le montant prévu, sur dix ans, s'élève à 180 milliards de dollars, en totale contradiction avec les objectifs définis par la précédente conférence ministérielle de l'OMC, à Doha (novembre 2001) ?
Aujourd'hui comme hier, l'administration américaine a recours à l'OMC chaque fois que cela l'arrange, et passe « par–dessus » quand cela l'arrange moins (même démarche, d'ailleurs, vis–à–vis de l'ONU).
« La stratégie commerciale américaine inclut des avancées sur des fronts multiples, et nous allons continuer à ouvrir les marchés d'une façon ou d'une autre », a ainsi déclaré le représentant américain pour le Commerce, Robert Zoellick (15 septembre). « Nous allons bouger avec les pays qui sont prêts à le faire », avait–il prévenu, avant même les négociations de Cancun (4 septembre), en rappelant que le président Bush venait de signer deux accords de libre–échange avec Singapour et le Chili. Voilà qui devrait faire réfléchir ceux qui parlent de « victoire du Sud »
Alors, qui a gagné, qui a perdu à Cancun ? Cette interrogation, reprise par tous les médias et les commentateurs, laisse accroire qu'il pourrait sortir quelque chose de positif de l'OMC.
Certains en appellent même à la « démocratisation » de l'OMC. C'est une manière d'esquiver la question de la véritable nature de l'OMC – « réformée » ou non – et du GATT, qui l'a précédée : un cadre d'ingérence et de remise en cause permanente des législations et des souverainetés nationales au profit des multinationales.
YVAN LEGOFF     (semaine du 17 au 23 septembre 2003 – n°607)

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Une "victoire" , une "opportunité", pour quoi faire?

DU CÔTÉ DES "ALTERMONDIALISTES"…

Les principaux organisateurs du Forum social européen se sont félicités de "l'échec" des négociations à Cancun, y voyant même une "opportunité" pour réformer l'OMC.
Annick Coupé, responsable des syndicats SUD, déclare que « cette crise peut être une opportunité positive pour une sortie vers le haut du commerce international », car, estime–t–elle, « sur le commerce international doit primer la charte des Nations Unies pour les droits de l'homme » (AFP, 15 septembre).
Mais que doivent devenir les législations nationales, battues en brèche depuis des années? Silence assourdissant de tous les altermondialistes. &laqui; J'ai surtout envie que l'OMC reste sur les questions commerciales, les organise selon des règles. Et que, quand ces lois du commerce entrent en conflit avec d'autres droits, il y ait une institution au dessus, qui s'appelle l'ONU », a lancé José Bové, le 7 septembre.
C'est l'ONU qui défendrait les services publics, les conventions collectives, les statuts nationaux, remis en cause depuis des années par le GATT, puis l'OMC, et aussi l'Union européenne? Qui peut croire une chose pareille? Jacques Nikonnof, président d'ATTAC, réclame à nouveau, dans les colonnes du Journal du dimanche (14 septembre), un « moratoire, le temps d'évaluer les résultats des politiques de l'OMC ».
Tous ne s'inscrivent–ils pas, finalement, dans ce que Bové réclamait en 2001, « la refonte de la gouvernance mondiale » au nom de laquelle les garanties sociales et démocratiques conquises dans le cadre des nations devraient s'effacer, au grand bénéfice des multinationales?
Y.L     (semaine du 17 au 23 septembre 2003 - n°607)

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Après Cancun

La réunion de l'OMC, qui vient de se tenir à Cancun au Mexique, s'est officiellement conclue par un échec, les pays du Sud refusant, selon les commentaires, de passer sous les fourches caudines des « pays du Nord » en matière de libre-échange de produits commerciaux, les échanges agricoles étant au centre de la confrontation. Selon les informations, les États-Unis seraient, paraît-il, les grands perdants de ce rendez-vous manqué qui, faut-il le rappeler, trouvera son épilogue le 31 décembre 2004, fin du cycle de Doha.
D'ici à cette date, on peut s'attendre à d'autres rebondissements, alimentés par la diplomatie parallèle. De mon point de vue, en dépit des apparences, les États-Unis engagés dans la phase des élections présidentielles, n'ont pas intérêt à forcer la marche. De fait, ils sont donc loin d'être perdants, l'Europe se trouvant sans nul doute beaucoup plus pénalisée que les États-Unis. Par tradition, les États-Unis ont toujours été réticents à s'impliquer dans des accords globaux, lorsque leurs intérêts directs sont en jeu. Ils ont toujours misé sur les accords bilatéraux, quand les rapports de force et les marchandages directs pèsent beaucoup plus pleinement dans la balance des négociations.
Les choses sont loin d'être claires. Un rapport de la FAO souligne que 840 millions de personnes souffrent de malnutrition sur la planète. Une situation qui s'explique davantage par des événements politiques ou économiques que par la pénurie de produits alimentaires.
Au-delà des déclarations tonitruantes, et des bulletins de victoire, en particulier des ONG, « comment concilier les positions défendues par Lula, le président brésilien, souhaitant développer ses exportations agricoles et animales, et celles de José Bové, qui refuse ces exportations au nom de la défense des exploitants français? » (1). Les embrassades de Porto Alegre, et celles de tous les forums, ne sont en fait, que « poudre aux yeux ».
ANGELO GEDDO    (semaine du 1er au 7 octobre - n°609)
(1) Aller-Eco, n°217

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